Feu et Lumière, décembre 2014, interview du P. Ducourneau:
Comment aborder les pauvres quand on est soi-même à l’abri du besoin?
L’abord d’un frère en désolation n’est jamais simple car il nous rend vulnérable, il nous rend relationnel à l’autre et donc susceptible d’être critiqué, rejeté et incompris. Pourtant le regard est essentiel car il est la porte du cœur de notre capacité d’aimer. Lorsque Jésus aborde un frère pauvre, il pose son regard et l’aime. Les deux gestes sont complémentaires et indissociables. A chacun de nous d’imiter le Christ puisque telle est la vocation du chrétien.
Comment expliquer que certains soient indifférents ou même rejettent les plus pauvres?
Nous sommes nous-mêmes ces passants indifférents, plus qu’on ne le pense. Nous ne considérons pas du tout les personnes en souffrance comme des êtres humains, ni même comme des animaux, puisqu’il est vrai que notre regard trompé se tourne plus facilement vers un petit chien tout mignon que vers quelqu’un qui sollicite justement, et en premier lieu, notre regard.
Le pauvre, assis près de son carton de misère sur lequel est marqué sa faim, nous fait peur car il nous renvoie inconsciemment à notre propre misère humaine que nous rejetons d’un revers de la main. Pire, il semble que nous ayons le sentiment d’être agressé par sa main tendue, par sa parole ou par son regard qui peut paraître accusateur. Donc, nous le fuyons. Nous fuyons notre frère en humanité, notre frère d’âme, au nom du principe de précaution que nous mettons en œuvre comme un bouclier d’indifférence.