« Jésus était pleinement juif. Connaître son peuple, c’est Le connaître davantage. »
Pouvez-vous vous présenter en quelques lignes?
Je suis une religieuse dominicaine, vivant dans un petit monastère près de Lund, dans le sud de la Suède. La prière et la liturgie, l’étude et la vie fraternelle sont le cœur de notre vie. Appartenant à l’Ordre des Prêcheurs, nous avons aussi à cœur de partager avec le monde les fruits de notre contemplation, ce que nous faisons par des retraites, des sessions, des rencontres – et moi par mes livres.
Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre une année sabbatique et pourquoi à Jérusalem?
Je l’ai reçu comme un don gratuit et complètement inattendu. Ma prieure générale m’a proposé ce séjour à Jérusalem sans que je le demande – au départ je n’étais même pas particulièrement attirée par l’idée de ce voyage. J’avais été malade et j’avais besoin de repos. Jérusalem ne me semblait pas le lieu idéal pour cela. Mais je me suis tout simplement laissé faire, parce que j’étais trop fatiguée pour avoir d’autres idées en tête. C’était donc l’abandon total, un saut dans l’inconnu. Je me suis laissée conduire par les évènements, les rencontres… Et cette Parole s’est accomplie: «Par Jérusalem vous serez consolés».
Comment avez-vous rédigé cet ouvrage?
En rentrant en Suède, c’était comme si je vivais encore à Jérusalem. J’en étais si imprégnée que j’ai commencé à écrire, comme dans un acte de survie pour ne rien perdre de cette richesse inouïe que j’avais vécue. C’était vital. Et je voulais partager aux autres la découverte de ce monde juif, si méconnu ici. En rédigeant ce livre, je suis donc restée à Jérusalem encore un an, tout en étant rentrée en Suède.
Quelle a été pour vous la plus grande découverte une fois sur place?
J’ai été surprise, éblouie même. J’ai véritablement fait une rencontre avec la foi si vivante et vibrante de nos frères et sœurs juifs, ce à quoi je ne m’attendais absolument pas. Je dois l’avouer: autrefois je ne pensais pas que le judaïsme avait un grand intérêt pour nous chrétiens. Mais j’y ai découvert la Présence du même Père en qui je crois! Cela m’a bouleversée. J’ai aussi eu l’impression de m’approcher davantage du Christ. Jésus était pleinement juif. Connaître son peuple, c’est Le connaître davantage.
Mais j’ai aussi dû faire face au passé douloureux de l’Église et c’était quand même une sorte de choc de réaliser quelle haine et quel mépris nous avons montré au cours des siècles à l’égard de nos frères juifs. L’Église a certes demandé pardon, mais je me suis rendu compte que ces blessures ne sont pas encore guéries.
Qu’est-ce que la découverte du judaïsme vous a apporté dans votre foi chrétienne?
Dans un premier temps, cela m’a peut-être un peu déstabilisée, puis cela a fortifié ma foi.
Saint Paul dit que nous, les chrétiens, sommes l’olivier sauvage greffé sur la racine sainte qu’est le judaïsme. Je reprendrais volontiers les paroles du cardinal Etchegaray:
« L’Église, sans rien perdre de son originalité, prend conscience qu’elle est d’autant plus verdoyante qu’elle vit de sa racine juive.»
J’ai l’impression d’avoir trouvé mes racines, et c’est sûr que j’en suis vivifiée.
On lit l’Évangile – et toute l’Écriture d’ailleurs – autrement quand on a cet arrière-fond de la Tradition juive. L’interprétation juive de la Bible est extrêmement riche. L’Église nous encourage à y puiser.
Votre livre est un voyage qui nous mène vers un autre rivage, à qui le conseilleriez-vous?
A tous et à chacun. Jésus est Celui qui se rend sur l’autre rive. Il est toujours « de passage », il dépasse les frontières. Sortir de soi, n’est-ce pas le mouvement de la vie même?
Quitter sa zone de confort n’est jamais facile et confortable, mais c’est tellement enrichissant.
Propos recueillis par L. Lorusso, pour l’EdB Infos février 2019