« La maltraitance et ses effets ne sont pas le dernier mot d’une vie » – Nouvelle Revue Théologique
Mathilde François est mariée et mère de famille. Elle est praticienne en psychothérapie et a travaillé plusieurs années au service d’ONG en Afrique. Elle a décrit son propre parcours dans un premier livre, De la Maltraitance à la liberté (2019). Son expérience personnelle et son travail donnent un grand poids à ce qu’elle expose.
Elle nous propose un récit plus synthétique de sa vie et de la cicatrisation de ses blessures. Elle atteste l’existence concrète de la résilience : la maltraitance et ses effets ne sont pas le dernier mot d’une vie. Elle indique explicitement que Dieu a une place dans ce processus. Dieu a été un acteur de sa délivrance. Ainsi le mot « amour » n’est-il pas un pur concept pour elle ni dans la description d’autres processus de résilience. Certains comportements peuvent changer dès lors que la confiance en soi, dans les autres, en Dieu est réinstaurée. La résilience est une capacité psychique que possède tout être humain et qu’il peut développer. Elle est sous-tendue par un acte de liberté. Ce que j’ai subi, m’a fait mal. Mais la résilience initiée par la liberté est une capacité humaine restauratrice. Ce n’est pas une guérison globale, un déni, un réflexe automatique. C’est un processus initié par l’écoute confiante et par la rencontre assurée d’un regard, d’une parole, d’un cadeau qui « dit l’amour de l’être humain pour l’être humain ». Ainsi le passé peut-il revêtir une face lumineuse. Ainsi à l’amour peut répondre encore l’amour.
L’A. nous conte ensuite brièvement plusieurs histoires qui méritent d’être connues. Les personnes qu’elle décrit ne « guérissent » pas toutes, mais leur récit de vie et de dialogues avec l’auteur explicite les visages de la résilience et des blessures en humanité : refus de l’enfant par ses parents, violences familiales, désastres des addictions signes de ce qui a été subi.
Ce livre nous éveille à la réalité de la résilience et à ses effets. L’unité discrète que l’auteur souligne entre « la part de l’homme et la part de Dieu », nous rappelle l’unité de tout être humain et la puissance régénératrice de l’action divine, particulièrement dans l’eucharistie. L’objectivité de ce « mystère » et sa durée dans l’adoration du Saint-Sacrement, ouvre des pistes même aux chrétiens les plus rationalistes. Les références au p. Jean-Joseph Lataste sont réconfortantes et utiles. « Dieu ne nous demande pas ce que nous fûmes, il n’est touché que par ce que nous sommes » (p. 49). Ces citations ne visent pas à affirmer que la foi guérit tout, mais qu’elle est une réalité dont on ne peut pas faire abstraction systématiquement.
La résilience nous met sur la piste du pardon. Ils doivent être pensés ensemble. Telle serait la leçon ecclésiale de ces témoignages. La déchirure peut devenir un canal de vie : « le pardon est une arme implacable, probablement la plus puissante contre le mal puisqu’elle ne le détruit pas, mais le transforme de l’intérieur, intimement » (p. 94). Là où il y a de l’amour, la guérison est possible.
Alain Mattheeuws s.j. – NRT 147 / 1 2025 – p. 157